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LE FOLGOET

Guerre 39-45  - Fin de l'occupation

Texte recueilli  dans le journal de la paroisse  du Folgoët, écrit par le Chanoine GUEGUEN, ancien recteur de l'époque.           

 

24 juin 1944 : Pardon de Guicquelleau.

 

       Le 20 mai précédent, la Chapelle avait été occupée par les Allemands sans avertissement préalable. Ils l’avaient transformée en infirmerie : une vingtaine de lits de malades y avaient été placés. Le Sergent infirmier s’était installé dans la sacristie et y avait allumé un poêle. Les murs de la Chapelle furent recouverts de dessins, images en photos représentant des scènes de guerre ou autres scènes plus joyeuses…Et dans cette chapelle, les soldats malades et les infirmiers reçurent, à différentes reprises, des visites féminines sur lesquelles il ne convient pas d’insister…Le médecin chargé de l’infirmerie avait pris logement chez M. Louis Corre, gouverneur de la Chapelle.

         Les soldats évacuèrent la chapelle le samedi 17 juin.. Le Pardon put être célébré, après que le Recteur eut procédé à la « réconciliation » de la Chapelle profanée.

         Ce fut le Pardon le plus pieux et le plus recueilli de tous ceux que j’ai vus à Guicquelleau… : aucune auberge sous la  tente, aucun homme en état d’ébriété…Après les Vêpres, la procession s’en alla vers le vieux manoir, et le « tantad », feu de joie traditionnel fut allumé sur le tertre voisin.

AOUT 1944 : Libération du FOLGOET.

Dimanche 6 août.

         Les Américains avançaient rapidement.. Ils approchaient de Lanhouarneau. A 8 heures du soir, 4 coups de canon tirés par la garnison allemande de Lesneven : c’est le signal pour les Allemands du château de Kernaou d’avoir à déguerpir. Vers 9 heures, nouveaux coups de canon et rafales de mitrailleuses ; les tanks américains venant de Lanhouarneau approchent de Lesneven ; les canons allemands installés au Veleuri en Plouider et ceux de Lesneven tirent sur les tanks…Je monte  dans le clocher pour mieux voir : canonnade furieuse. Vers 10 heures accalmie, puis la canonnade reprend et les rafales de mitrailleuses, et ainsi de suite jusqu’à 11 heures et demie. Puis silence complet. Il fait nuit. Je descends du clocher et vais faire un tour jusqu’à la Croix Rouge : toutes les portes sont fermées et les volets tirés..

Lundi 7 août :

         De bonne heure, la bataille reprend… Nous apprenons que les tanks américains sont entrés en ville de Lesneven la veille au soir. Ils ont écrasé les canons allemands postés au Veleuri, mais n’ont pas pu réduire le blockhaus de Kerlaouen (maison de M. Baley) à l’entrée de la ville, côté Folgoët. Et du  blockhaus les Allemands continuent à tirer sur les Américains. Un groupe de parachutistes Français descendus à Trégarantec le soir, avec quelques partisans ( on les appelle F.F.I.) essaient de s’emparer du blockhaus. Peine perdue. On amène des canons américains qui abattent les tireurs allemands postés dans le clocher de l’église et dans les grands arbres du Collège, et les tanks réussissent à traverser la ville. Ils continuent leur route, les uns en direction de Kernilis, les autres en direction de Plabennec. Pendant toute la journée, c’est un défilé impressionnant de tanks, chenillettes, canons, etc…, et les habitants du Folgoët, massés à la Croix Rouge et tout le long de la Grande place, acclament leurs libérateurs.

         Pendant toute la journée aussi, la fusillade continue de part et d’autre, et les dégâts sont grands à Lesneven. La toiture de l’église a été à moitié détruite par les obus allemands lancés de Veleuri ; la calotte en plomb du clocher a été soulevée par les obus américains ; tous les vitraux sont percés à mitraille.

         Le Collège lui aussi a reçu plusieurs obus : l’aile nord et la chapelle sont très endommagées… Sur la place LE FLO, l’Hôtel de la Grand’maison, la pharmacie Roudaut, la bijouterie Cavarec, la maison Jestin ont été incendiés ; rue du Folgoët, presque toutes les maisons sont criblées de mitraille.

           Un soldat allemand fait prisonnier par nos F.F.I. est amené au Folgoët. Les F.F.I. veulent le fusiller en représailles du meurtre commis à Lesneven sur la personne d’un jeune Scout, Joseph Vérine, qui portait secours à un homme blessé dans la rue, et a été fusillé à bout portant par les soldats.. On le sauve à grand peine et on l’enferme sous la chapelle des Pardons.

         La nuit se passa dans l’inquiétude… Sur le conseil de M. Duterque, maire de Lesneven, tous les habitants quittent la ville, et vont chercher refuge dans les fermes, ou dans les champs de Trégarantec, Ploudaniel, Folgoët.

         Ce même lundi soir, panique au bourg du Folgoët : le bruit court, propagé par les F.F.I. eux-mêmes, que les Allemands de Lesneven vont faire une sortie. Aussitôt les habitants des quartiers de Kermaria et de Keranna quittent leurs maisons et vont chercher un abri dans les bois de Coatjunval, Recuel, Kéroudaut. Ceux du bourg les imitent, et je reste seul au Presbytère avec ma vieille domestique… Les gardiens du  prisonnier affolés le fusillent inhumainement.

         Ce n’était qu’un faux bruit, et la nuit est calme…

Mardi 8 août :

       Les Allemands de Lesneven avaient pourtant songé à faire une sortie, mais c’était pour essayer de fuir vers Brest.

         Vers 5 heures du matin, le mardi, profitant d’un épais brouillard, les Allemands de Plouider, Lesneven et Kernouès, entassés dans des camions et des autos, traversent à toute vitesse le bourg du Folgoët et du Drennec. Mais à Plabennec, ils se heurtent à des tanks américains et à un groupe de parachutistes ; toutes les voitures sont détruites et leurs occupants, à l’exception de leur chef, un général de division, pantalon rouge et étoiles d’or, qui est fait prisonnier.

         Ce même jour, à 11 heures et demie, nous étions à l’église chantant la messe d’enterrement d’Anne Simon, veuve Le Rest, de Traon-Doun, morte de saisissement le dimanche soir, lors des premiers coups de canon…Tout d’abord dans le bourg, une fusillade intense…Je vais voir au dehors : c’est une camionnette allemande qui essaie de traverser le bourg. Repérée auprès de la Croix Rouge par les F.F.I. de garde autour du bourg, elle fut poursuivie à coups de fusils et de mitrailleuses ; les pneus traversés de balles, elle s’arrête, à plat, en face de la maison Tréguer, au coin de la place. Presque aussitôt elle prend feu ; le réservoir d’essence éclate, grande gerbe de feu, puis une fumée épaisse ; nombreuses explosions de grenades et de balles de tous calibres…Trois soldats s’échappent de la camionnette ; deux d’entre eux sont frappés de balles par les F.F.I. et le 3è court à toute jambe vers la campagne. Quelques heures plus tard, il sera arrêté près du Ménec par Jean Roumier et Jean Quéré, et ramené au bourg ; le soir il sera fusillé par des F.F.I. furieux et inhumains. Quand on put s’approcher de la camionnette consumée par le feu, on y trouva trois corps allemands carbonisés… De notre côté, une seule perte : un jeune soldat Russe, évadé de l’armée allemande et qui  s’était joint à nos partisans ; il se trouvait de garde à la Croix Rouge avec les F.F.I.. Il fut frappé au côté d’une balle de mitrailleuse allemande ; soigné chez les Frères par la sœur Louise, infirmière, il mourut le soir, à l’hôpital de Lesneven…

         Ce fut un moment de grosse émotion pour les paroissiens réunis à l’Office autour du corps d’Anne Simon, lequel corps resta à l’église après la cérémonie funèbre en attendant que tout danger soit écarté.

6        Septembre1944 :  Le Grand Pardon du FOLGOET supprimé.

C’est sans doute la première fois depuis la Révolution . Il aura lieu quand même mais plutôt dans l’intimité.

La veille à 4 heures nous chantâmes les premières Vêpres. La Grand-messe fut chantée à 11 heures.

         Le Commandant américain, surpris de voir tant de monde sur la route de Lesneven, téléphona au Préfet de Quimper, et envoya son Officier d’Ordonnance pour m’exprimer ses plaintes et doléances… « Au moins, me dit l’Officier, priez-les de retourner chez eux par petits groupes, en empruntant de préférence les petites routes, les chemins creux et si possible, les sentiers à travers champs. ».

4 décembre 1944 : Le GRAND RETOUR. Passage de Notre-Dame de BOULOGNE.

         La statue représentant N.D. de Boulogne, portée sur un chariot traîné par des hommes, fait en quelque sorte son tour de France. Partie de Boulogne en 1919, elle a passé par Reims, le Puy en Auvergne, LOURDES…et parcourt maintenant la Bretagne.

         Elle arrive au FOLGOET le 4 décembre, venant de Guissény en  passant par Kerlouan…Ce jour, le temps est froid : une pluie glaciale tombe, les routes sont mouillées. Néanmoins, à l’imitation de nombreuses paroisses, tout le monde se déchausse : Recteur, vicaires, enfants de chœur et paroissiens…Et c’est, pieds nus et tête nue, que la procession de Folgoët se porte à la rencontre de N.D. de Boulogne, qui vient par la route longeant le château de Penmarc’h. C’est dans un champ, près du village de Kergroas, que le clergé de Kerlouan transmet la statue à celui du Folgoët.

         Puis la procession s’organise et se dirige vers le Folgoët. Tout le long de la route, des guirlandes multicolores, de temps en temps des arcs de triomphe. Toutes les maisons du bourg sont pavoisées de Drapeaux et ornées de fleurs. Le cortège arrive à l’église à 11 heures.. La paroisse de Tréglonou est venue se joindre à celle du Folgoët.

         Tout l’après-midi, l’église ne désemplit pas. A 11 heures du soir commence l’Adoration suivie de la messe de minuit.(2000 communions)

         N.D. de Boulogne quitte le Folgoët le  lundi à 3 heures, pour aller à Lesneven, d’où elle partira par Ploudaniel vers Landerneau.

 

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